LES DROITS À L’IMAGE DES JOUEURS DE FOOTBALL PROFESSIONNELS AU CŒUR DE L’AFFAIRE « PANINI »

Kenny BROUSSE, Avocat, mandataire sportif

L’année 2025 marquera le cinquantenaire des albums Panini en France, une véritable icône culturelle connue pour ses albums de vignettes autocollantes représentant les joueurs des clubs professionnels de football français.

Pour cette saison 2024-2025, Panini a publié son 50e album dédié au Championnat de France, le premier remontant à la saison 1975-1976.

Toutefois, cette commémoration s’inscrit dans un contexte judiciaire particulier, marqué par un contentieux portant sur l’exploitation du droit à l’image des joueurs professionnels évoluant dans le championnat français.

Par un jugement du 15 mai 2024, le Tribunal judiciaire de Paris a statué sur la licéité de l’utilisation par la société Panini France et la société Nouvelle Promo-Foot (NPF) de l’image de joueurs de football professionnels.

Contexte des relations contractuelles permettant la commercialisation des droits à l’image des joueurs de football professionnels

Le syndicat français des joueurs de football professionnel (UNFP) dispose, en vertu de l’article 280 d) de la Charte du football professionnel, du monopole d’exploitation de certains droits afférents à l’image des joueurs et aux signes distinctifs des clubs professionnels français.

Selon cet article, « L’édition, la reproduction ou l’utilisation de l’image individuelle et collective de joueurs professionnels évoluant en France et regroupant simultanément plusieurs joueurs de plusieurs clubs ne pourront être réalisées qu’avec l’accord et au profit de l’UNFP. Ces réalisations pourront faire état de symboles et marques des clubs (nom, écusson, etc.) dont les joueurs sont issus. »

Cette Charte, ayant valeur de convention collective sectorielle, constitue ainsi la Convention collective nationale des métiers du football (CCNMF).

C’est sur le fondement de ce texte que l’UNFP, par l’intermédiaire de sa société NPF, commercialise les images associées des joueurs avec la société Panini.

En effet, le syndicat UNFP aurait transféré, par une convention conclue le 16 mars 1996, à la société NPF le monopole de l’exploitation des droits visés à l’article 280 d) de la Charte.

Puis, la société NPF a signé un contrat de licence exclusive avec la société Panini le 21 mars 2016, lui octroyant l’exploitation de l’image des joueurs sous diverses formes (stickers, cartes à jouer, produits numériques, etc.), en échange du paiement de redevances.

Une partie de ces redevances était ensuite redistribuée de manière égalitaire aux joueurs adhérents de l’UNFP afin de rétribuer la représentation de leur image dans les albums Panini.

Naissance du litige Panini

Toutefois, des joueurs professionnels reprochaient aux sociétés Panini France et Nouvelle Promo-Foot d’avoir utilisé leur image dans les albums Panini des saisons 2019 à 2021 sans autorisation préalable. Se fondant sur l’article 9 du Code civil ainsi que sur les articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme, ils revendiquaient leur droit exclusif à l’exploitation de leur image.

Les requérants soutenaient que la Charte du football professionnel ne pouvait pas imposer une cession automatique du droit à l’image au profit de l’UNFP sans accord individuel.

Ils avançaient que la société Nouvelle Promo-Foot ne rapportait pas la preuve de l’existence de la convention conclue le 16 mars 1996 avec l’UNFP, lui cédant le monopole de l’exploitation des droits visés à l’article 280 d) de la Charte.

En outre, ils estimaient qu’aucune contrepartie financière individualisée ne leur avait été attribuée en échange de cette utilisation commerciale.

Enfin, ils contestaient l’argument des défenderesses selon lequel le consentement donné par les joueurs pour l’exploitation de leur image ne nécessiterait pas une autorisation spécifique mais résulterait de la seule signature de leur contrat de travail.

Avant d’entrer dans le détail de la solution retenue par le juge, il convient d’examiner la notion de droit à l’image et, plus particulièrement, celle des droits à l’image des joueurs de football professionnels en France.

Focus sur les droits à l’image des joueurs de football professionnels

Comme tout citoyen, un joueur de football dispose d’un droit exclusif sur son image et son utilisation, sur le fondement de l’article 9 du Code civil, relatif au « droit au respect de sa vie privée ». Il peut ainsi s’opposer à la fixation et à la diffusion de son image.

Le droit à l’image inclut non seulement la représentation physique du joueur, mais aussi ses attributs personnels : nom, voix, silhouette, etc., dès lors que ces éléments permettent de l’identifier.

Dans le football, au-delà de ce droit individuel, un joueur peut également concéder à son club employeur le droit d’utiliser son image, en vertu des stipulations de son contrat de travail et des mesures prévues par la Charte du football professionnel.

L’image associée du joueur, c’est-à-dire son image liée à celle de son club, est régie par l’article 280 b) de la Charte.

L’exploitation de cette image par les clubs se fait principalement dans le cadre des promotions commerciales avec les sponsors et pour des produits dérivés, notamment les maillots.

L’image associée est considérée comme collective lorsqu’au moins cinq joueurs du même club figurent sur un support commun. Dans ce cas, le consentement est donné via la signature du contrat de travail et d’un avenant spécifique.

En revanche, si moins de cinq joueurs du même club apparaissent sur un support, l’image est considérée comme individuelle et nécessite une autorisation spécifique de chaque joueur.

Enfin, l’article 280 d) de la Charte prévoit une troisième catégorie de droits : l’image associée individuelle et collective de joueurs issus de différents clubs du championnat français. C’est sur ce fondement que l’UNFP commercialise les images des joueurs à Panini.

Or, en l’espèce, les joueurs estimaient que leur image, figurant seule sur une vignette, relevait plutôt de l’image individuelle, nécessitant une autorisation spécifique.

La solution retenue par le Tribunal dans l’affaire Panini

Le juge a adopté une approche différente, considérant que l’article 280 d) de la Charte ne visait pas les vignettes individuelles prises isolément, mais bien l’album dans son ensemble, qui regroupe les images de nombreux joueurs de plusieurs clubs.

De plus, Panini ne vendant pas les vignettes à l’unité, mais sous forme de pochettes contenant plusieurs joueurs issus de clubs différents, le juge a estimé que l’exploitation de ces images relevait bien du champ d’application de l’article 280 d).

Ainsi, il a conclu que la seule signature du contrat de travail des joueurs valait consentement à l’exploitation de leur image par l’UNFP.

Cependant, la société Panini a été condamnée à indemniser les demandeurs, non en raison d’une atteinte au droit à l’image, mais parce que la société Nouvelle Promo-Foot n’a pas pu prouver l’existence de la convention de 1996 lui octroyant le monopole d’exploitation des droits.

Conclusion et perspectives

Les demandeurs ont interjeté appel de la décision.

À moins que la Cour d’appel ne remette en cause l’analyse du Tribunal sur la question probatoire de l’existence de la convention de 1996 entre l’UNFP et la société NPF, les albums Panini, qui fêtent leur 50e anniversaire, semblent avoir encore de beaux jours devant eux.

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