Chloé BOUVART, Avocate

Le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit, a pour objet d’assurer à la victime une indemnisation complète, sans qu’elle subisse de perte ni ne réalise de profit du fait du dommage subi.
L’indemnisation a donc pour finalité de la replacer, autant que possible, dans la situation où elle se serait trouvée si le fait générateur ne s’était pas produit.
Toutefois au moment de la consolidation médicale, la situation demeure parfois incertaine.
En effet, l’état de santé peut rester évolutif et la situation personnelle, professionnelle ou économique de la victime peut également être amenée à changer.
Ces évolutions peuvent avoir pour conséquence de faire apparaître de nouveaux préjudices, qui doivent à leur tour faire l’objet d’une indemnisation.
La définition de l’action en aggravation
L’action en aggravation est un recours juridique qui permet à une victime de solliciter l’indemnisation de préjudices nouveaux ou de ceux qui, lors de la première expertise, n’étaient pas encore évaluables en raison de l’évolution incertaine de l’état de santé.
En pratique, à la suite d’un accident ou d’un fait traumatique, la victime peut être considérée comme guérie ou présenter des séquelles consolidées. Son préjudice initial est alors évalué et indemnisé dans sa globalité, ce qui a pour effet de le figer juridiquement : la réparation intégrale a été réalisée sur la base de l’état de santé au moment de la consolidation.
Toutefois, cette situation n’exclut pas la possibilité d’une évolution défavorable de l’état de la victime ou un changement dans ses conditions de vie.
La victime est alors en droit de solliciter une indemnisation nouvelle ou complémentaire, destinée à compenser ces nouveaux préjudices survenus postérieurement.
Pour être accueillie, cette action, autonome de la première action en indemnisation, doit néanmoins répondre à plusieurs conditions précises.
Les conditions de l’action en aggravation
L’action en aggravation est subordonnée à plusieurs exigences légales et jurisprudentielles.
Pour envisager ce recours, la victime doit d’abord rapporter la preuve de l’aggravation invoquée, laquelle doit être la conséquence directe et certaine du fait générateur initial, qu’il s’agisse d’un accident, d’une agression ou de tout autre évènement à l’origine de son dommage.
Cette preuve peut être rapportée par tout moyen, et notamment au moyen d’un certificat médical ou d’une expertise médicale complémentaire venant constater et évaluer l’aggravation de l’état de santé.
La jurisprudence exige en outre que la responsabilité de l’auteur du dommage ait été valablement établie dans le délai de prescription prévu par la loi.
Conformément à l’article 2226 du Code civil, la victime dispose d’un délai de dix ans pour engager l’action en responsabilité, délai qui court à compter de la date de consolidation de son dommage initial.
De plus, il est nécessaire que les préjudices initiaux aient fait l’objet d’une évaluation préalable, qui peut avoir eu lieu dans le cadre d’une première procédure judiciaire ou d’une transaction amiable.
Cette condition étant en effet nécessaire pour distinguer clairement les nouveaux postes de préjudices en lien avec l’aggravation.
Lorsque ces conditions sont réunies, la victime bénéficie alors d’un nouveau délai de dix ans pour agir, cette fois à compter de la date de consolidation de l’aggravation, toujours au visa de l’article 2226 du Code civil.
Quelle indemnisation peut-on obtenir ?
L’action en aggravation ouvre la voie à une nouvelle évaluation des préjudices, mais celle-ci reste limitée aux seuls postes de préjudices affectés par l’aggravation.
Il ne s’agit donc pas d’une révision globale de l’indemnisation antérieure, mais d’une évaluation complémentaire portant exclusivement sur les éléments nouveaux ou aggravés du dommage.
L’action peut être exercée dans le cadre d’une procédure amiable, tel qu’auprès d’un assureur ou, à défaut d’accord, par la saisine de la juridiction compétente.
Conclusion
L’action en aggravation constitue un instrument juridique essentiel pour permettre de garantir la réparation intégrale des préjudices subis par une victime.
Elle permet de tenir compte de l’évolution de l’état de santé, souvent imprévisible.
Sa mise en œuvre exige toutefois une analyse rigoureuse des conditions requises et l’assistance d’un avocat, en lien avec un médecin-expert, afin d’assurer une défense efficace et une indemnisation la plus juste.