Kenny BROUSSE, Avocat

La réglementation des transferts internationaux de joueurs mineurs constitue l’un des piliers du dispositif de protection des jeunes footballeurs mis en place par la FIFA. L’article 19 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ) énonce le principe général d’interdiction des transferts internationaux impliquant des joueurs âgés de moins de 18 ans, sauf dans des hypothèses strictement encadrées. Cette règle, d’inspiration protectrice, vise à prévenir les dérives liées au trafic de jeunes talents et à garantir la poursuite de leur développement éducatif et personnel.
Le principe d’interdiction et ses exceptions
L’article 19, alinéa 1 du RSTJ pose le principe selon lequel les transferts internationaux de joueurs mineurs sont interdits. Toutefois, l’article 19, alinéa 2 prévoit plusieurs exceptions, interprétées de manière restrictive par la sous-commission de la FIFA et le Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Les principales exceptions concernent :
• Le déménagement des parents du joueur pour des raisons étrangères au football (art. 19, al. 2a) ;
• Les transferts au sein de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen (art. 19, al. 2b) ;
• Les joueurs résidant à proximité d’une frontière nationale (art. 19, al. 2c) ;
• Les cas particuliers liés à des raisons humanitaires ou à des programmes d’échange scolaire (art. 19, al. 2d et 2e).
La sous-commission compétente, désignée par la Commission du Statut du Joueur, examine chaque demande d’enregistrement ou de transfert international soumise via le système TMS (Transfer Matching System). Toute décision peut faire l’objet d’un recours devant le TAS dans un délai de 21 jours (art. 58 des Statuts de la FIFA).
Le cas particulier des transferts intracommunautaires (art. 19, al. 2b RSTJ)
Cette exception, inspirée du principe de libre circulation reconnu par le droit de l’Union européenne, autorise le transfert d’un joueur mineur âgé de 16 à 18 ans entre deux associations membres situées dans l’UE/EEE. Ce transfert est toutefois subordonné à des garanties strictes : formation conforme au plus haut standard national, suivi scolaire ou professionnel adapté et conditions de vie adéquates. La jurisprudence du TAS (notamment TAS 2012/A/2862 FC Girondins de Bordeaux c. FIFA et TAS 2016/A/4903 Vélez Sarsfield c. The FA, Manchester City et FIFA) a confirmé une lecture rigoureuse de ces critères, imposant aux clubs de démontrer que le projet du joueur est d’abord éducatif avant d’être sportif.
La règle des cinq années de résidence continue (art. 19, al. 3 RSTJ)
Une autre exception, prévue à l’article 19, alinéa 3, permet l’enregistrement d’un joueur étranger mineur ayant vécu de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans dans le pays où il souhaite être enregistré. La sous-commission applique ce critère avec une rigueur particulière. Ainsi, toute interruption de résidence ou absence de preuve documentaire complète peut conduire au rejet de la demande d’enregistrement.
Jurisprudence du TAS : vers une interprétation uniforme et stricte
Le Tribunal Arbitral du Sport a confirmé à plusieurs reprises la philosophie protectrice de l’article 19. Les affaires TAS 2014/A/3793 FC Barcelona c. FIFA, TAS 2016/A/4785 Real Madrid c. FIFA ou encore TAS 2019/A/6301 Chelsea FC c. FIFA ont sanctionné les clubs pour des violations du régime applicable aux mineurs. Ces décisions rappellent que la finalité de l’article 19 est la protection du mineur et non la promotion sportive. Toute tentative de contournement (enregistrements fictifs, scolarités symboliques, recrutements par des clubs partenaires) est systématiquement sanctionnée.
Application pratique : vigilance accrue des acteurs
En pratique, les clubs, agents et fédérations doivent anticiper les contraintes de l’article 19 dès la phase de négociation. La préparation d’un dossier solide, conforme aux exigences documentaires du Guide FIFA et du système TMS, est déterminante pour obtenir l’approbation. La jurisprudence récente illustre la vigilance du TAS et de la FIFA face à toute dérive. Dans ce contexte, une approche préventive et juridiquement encadrée demeure la meilleure garantie pour concilier la mobilité sportive et la protection des jeunes joueurs.
Compte tenu de la complexité croissante du cadre réglementaire et de la rigueur des contrôles opérés par la FIFA et le TAS, le recours à un avocat spécialisé en droit du football international s’avère essentiel.