Santina MAGNIER, Avocat
Le démembrement de propriété est un mécanisme juridique qui a beaucoup à offrir aux particuliers et aux chefs d’entreprises qui souhaitent optimiser la gestion de leur patrimoine.
Il permet en effet de concilier des objectifs parfois contradictoires : transmettre son patrimoine et réduire ses impôts tout en conservant des droits.
Pour comprendre ce mécanisme, définir la notion de démembrement de propriété s’avère primordiale.

Démembrement de propriété : définition et principes juridiques
Le démembrement de propriété correspond à la situation dans laquelle les attributs du droit de propriété d’un bien, à savoir le droit d’user, de jouir et de disposer de la chose, sont divisées entre plusieurs personnes.
La pleine propriété est alors scindée en deux droits distincts :
- L’usufruit, qui correspond au droit d’utiliser le bien et d’en percevoir les revenus ;
- La nue-propriété, qui renvoie au droit de disposer du bien.
L’usufruitier et le nu-propriétaire ont des obligations distinctes relativement au bien démembré.
- L’usufruitier doit conserver la substance de la chose, c’est-à-dire qu’il ne doit ni la détruire ni en changer la destination, et a l’obligation de régler les charges périodiques et d’entretenir le bien.
- Le nu-propriétaire est quant à lui en charge des grosses réparations bien qu’il ne puisse y être contraint et s’oblige à ne pas nuire aux droits dont dispose l’usufruitier.
Qu’il soit d’origine légale ou conventionnelle, le démembrement a nécessairement une durée limitée puisqu’il s’éteint soit à l’expiration du temps pour lequel il a été accordé, soit au décès de l’usufruitier.
Régimes juridiques et types de démembrement
Le démembrement de propriété peut tout d’abord être prévu par le législateur, on parle alors de démembrement légal.
Tel est par exemple le cas de l’usufruit accordé au conjoint survivant sur tout ou partie des biens du conjoint prédécédé sans testament prévu à l’article 757 du code civil, ou bien encore la possibilité, en cas de divorce, d’une attribution de biens en usufruit comme modalités d’exécution de la prestation compensatoire instituée par l’article 274 du même code.
Le démembrement de propriété peut également être constitué par la volonté de l’homme, c’est-à-dire d’origine conventionnelle.
Il peut alors être matérialisé dans le cadre d’une donation, par le biais de l’acquisition d’un bien immobilier ou encore par l’établissement d’une convention matrimoniale.
On pense notamment à l’exemple des parents qui cèdent la nue-propriété d’un bien à leurs enfants, tout en conservant l’usufruit. Cette solution permet aux parents de continuer à profiter du bien, soit en y habitant soit en en percevant les revenus.
A leur décès, l’usufruit s’éteint et les enfants deviennent automatiquement propriétaires du bien sans avoir de droits supplémentaires à payer.
Les avantages du démembrement de propriété dans le cadre de la transmission anticipée de patrimoine
L’intérêt de transmettre par anticipation une partie de son patrimoine en attribuant de son vivant des droits sur ses biens est double.
Optimisation des droits de donation
Cela permet tout d’abord de transmettre son patrimoine à moindre coût, les droits de donation étant calculés uniquement sur la valeur de la nue-propriété et non sur la valeur en pleine propriété du bien.
Il convient d’ailleurs de souligner que la valeur de la nue-propriété à partir de laquelle sont calculés les droits de donation est d’autant plus faible que le donateur est jeune.
Maintien des revenus locatifs du donateur
Pour le donateur qui se réserve l’usufruit, cela permet de continuer à percevoir les fruits provenant de la location du bien immobilier jusqu’à l’extinction de l’usufruit.
Des difficultés peuvent néanmoins survenir lorsque le donateur usufruitier souhaite, suite à la donation, vendre le bien.
Dans cette situation en effet, il doit, conformément à l’article 621 du Code civil, obtenir l’accord du nu-propriétaire lequel peut s’y opposer, occasionnant ainsi une situation de blocage.
Pour pallier à cet inconvénient, une alternative consiste à apporter la nue-propriété à une société civile et à donner les titres de la société ou bien à apporter la pleine propriété à une société civile et à donner la nue-propriété des titres.
De cette manière, le donateur conserve la qualité de gérant et les pouvoirs les plus larges aux termes des statuts, ce qui lui permet notamment de conserver le pouvoir décisionnel dans le cas où il déciderait de céder le bien ultérieurement.
Démembrement de propriété et gestion immobilière : l’optimisation fiscale et patrimoniale en cas d’acquisition démembrée d’un bien entre membres d’une même famille
Le démembrement de propriété revêt également un intérêt tout particulier en matière d’achat démembré entre parents et enfants.
La situation est celle dans laquelle les parents acquièrent l’usufruit et les enfants la nue-propriété d’un même bien.
Comme pour la donation de la nue-propriété d’un bien avec réserve d’usufruit, cette opération est favorable à la transmission par anticipation dès lors qu’au décès des parents, les enfants deviennent pleins propriétaires sans s’acquitter de droits supplémentaires.
CONCLUSION :
En définitive, le démembrement de propriété est un outil juridique et fiscal puissant pour optimiser la gestion et la transmission d’un bien. C’est une solution idéale pour anticiper une succession, réduire la fiscalité et protéger ses proches, expliquant la popularité croissante des stratégies incluant le démembrement temporaire.
Bien encadré, notamment par un avocat ou un notaire, il constitue une stratégie patrimoniale très avantageuse.
Il convient, en effet, d’anticiper les difficultés qui peuvent survenir, ce qui passe par la rédaction d’actes rigoureux contenant des clauses spécifiques : répartition claire des charges entre nu-propriétaire et usufruitier, modalités de cession de l’usufruit et de la nue-propriété, clause d’indexation, etc.