Olivier COSTA, Avocat Associé, mandataire sportif
L’Olympique Lyonnais (OL), longtemps considéré comme un modèle de gestion en France, traverse une période financièrement tumultueuse.
Cette situation met en lumière les obligations légales et les responsabilités des commissaires aux comptes (CAC), ainsi que les conséquences sportives potentielles d’une gestion financière défaillante.

L’OL face à une crise financière majeure
En novembre 2024, Eagle Football Group, la société mère de l’OL, a publié des comptes faisant état d’une dette financière de 505 millions d’euros.
Cette situation préoccupante a conduit les CAC à envisager une impossibilité de certifier les comptes sociaux et consolidés, invoquant l’absence d’éléments probants suffisants pour se prononcer sur la continuité d’exploitation de l’entreprise.
Cette incertitude a conduit la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) à prendre des mesures conservatoires sévères, notamment l’encadrement de la masse salariale, l’interdiction de recrutement et une menace de relégation en Ligue 2 si la situation financière ne s’améliorait pas.
Les responsabilités des commissaires aux comptes
Les CAC ont pour mission de certifier que les comptes annuels sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle de la situation financière de l’entité. En cas de doute sur la continuité d’exploitation ou en l’absence d’éléments probants suffisants, ils peuvent émettre une impossibilité de certifier les comptes.
Le commissaire aux comptes, le garant de l’information financière
Le commissaire aux comptes est un professionnel libéral qui intervient dans le cadre d’une mission légale pour vérifier la sincérité et la régularité des états financiers d’une entité. L’audit légal consiste, pour l’essentiel, à certifier les comptes annuels des entreprises (bilan, compte de résultat, annexe). Il garantit donc la fiabilité de l’information financière et comptable des entités concernées.
Par ailleurs, il a le devoir d’alerter le procureur de la République des faits délictueux dont il a connaissance. Il signale également au dirigeant les faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.
Le commissaire aux comptes peut exercer d’autres missions :
- donner un avis sur un document comptable ou une stratégie financière,
- fournir une attestation pour le tribunal ou des financeurs,
- établir un rapport sur des conventions passées entre une société et ses dirigeants,
- rédiger des rapports spéciaux (par exemple, en cas d’augmentation de capital).
Le commissaire aux comptes est l’auditeur légal des comptes. En principe, il est désigné pour six années renouvelables.
Certaines sociétés doivent faire certifier leurs comptes annuels par un commissaire aux comptes. Un décret a récemment modifié les seuils à partir desquels cette formalité est obligatoire.
Désormais, les entreprises qui dépassent deux des trois seuils suivants doivent désigner un commissaire aux comptes :
- chiffre d’affaires : 10 millions €
- total bilan : 5 millions €
- nombre de salariés : 50
Pour les entreprises contrôlées directement ou indirectement par une entité devant désigner un commissaire aux comptes, les seuils sont différents :
- chiffre d’affaires : 5 millions €
- total bilan : 2,5 millions €
- nombre de salariés : 25
Ces seuils s’appliquent à compter des exercices ouverts au 1er janvier 2024.
Seuls les professionnels inscrits peuvent exercer la profession.
La Compagnie nationale des commissaires aux comptes représente la profession.
Le refus de certification peut avoir des conséquences graves pour l’entreprise, notamment en termes de crédibilité auprès des investisseurs et des autorités de régulation.
Un redressement financier de l’Olympique Lyonnais sous conditions
En janvier 2025, un apport de 83 millions d’euros par Eagle Football Holdings a permis aux CAC d’envisager une certification sans réserve des comptes de l’OL . Cette injection de liquidités a été déterminante pour lever certaines sanctions de la DNCG et restaurer la confiance des parties prenantes.
Cependant, cette solution ponctuelle ne résout pas les problèmes structurels du club. La dépendance aux ventes d’actifs et aux apports externes souligne la fragilité du modèle économique actuel de l’OL.
C’est ce qui ressort du rapport financier semestriel au 31 décembre 2024 qui vient d’être publié par EAGLE FOOTBALL GROUP.
L’analyse des CAC est la suivante :
« Conclusion sur les comptes
Nous avons effectué notre examen limité selon les normes d’exercice professionnel applicables en France. Un examen limité consiste essentiellement à s’entretenir avec les membres de la direction en charge des aspects comptables et financiers et à mettre en œuvre des procédures analytiques. Ces travaux sont moins étendus que ceux requis pour un audit effectué selon les normes d’exercice professionnel applicables en France. En conséquence, l’assurance que les comptes, pris dans leur ensemble, ne comportent pas d’anomalies significatives obtenue dans le cadre d’un examen limité est une assurance modérée, moins élevée que celle obtenue dans le cadre d’un audit. Sur la base de notre examen limité, nous n’avons pas relevé d’anomalies significatives de nature à remettre en cause la conformité des comptes semestriels consolidés résumés avec la norme IAS 34, norme du référentiel IFRS tel qu’adopté dans l’Union européenne relative à l’information financière intermédiaire. Sans remettre en cause l’opinion exprimée ci-dessus, nous attirons votre attention sur l’incertitude significative liée à des événements ou à des circonstances susceptibles de mettre en cause la continuité d’exploitation décrite dans la note « 11.2 : Risques de liquidité et continuité d’exploitation ».
Une alerte est ainsi exprimée sur une notion bien connue des chefs d’entreprises, les risques de liquidité et continuité d’exploitation.
Au cas d’espèce, il est noté :
« Note 11.2 : Risques de liquidité et continuité d’exploitation
Les comptes au 31 décembre 2024 ont été arrêtés, selon le principe de continuité d’exploitation, sur la base d’un plan d’exploitation et de capitalisation présenté avec les hypothèses suivantes :
– Apport d’un montant maximum de 150 M€, au cours du 1er semestre 2025, de la part d’Eagle Football Holdings dans le cadre de son projet d’introduction en bourse sur le New York Stock Echange ;
– Apports en trésorerie de la part Eagle Football Holdings et de ses actionnaires.
Cependant, bien que le Groupe estime qu’il est probable que tout ou partie de ces opérations de financement et de ses nouveaux engagements nouveaux vis-à-vis des prêteurs soient menés à leur terme, tout retard important ou toute non-réalisation de ces flux de trésorerie pourrait remettre en cause le principe de continuité d’exploitation de la société et de ses filiales. »
Tout est dit !
Conclusion : la nécessité d’une gestion rigoureuse des clubs
L’affaire de l’OL illustre que les clubs de football, malgré leur dimension émotionnelle et culturelle, sont soumis aux mêmes obligations légales et financières que toute entreprise.
Une gestion rigoureuse, transparente et conforme aux normes comptables est essentielle pour assurer leur pérennité.
Les CAC jouent un rôle crucial dans ce processus en garantissant la fiabilité des informations financières.
Les derniers matchs de l’OL à Monaco puis la réception d’Angers vont conditionner le classement de l’OL en vue des prochaines compétitions européennes, génératrices de revenus.
Plus que jamais et comme beaucoup d’entreprises d’autres secteurs, l’international va être déterminant pour assurer la pérennité sur le plan local.
L’internationalisation n’est plus un choix mais une question de survie pour beaucoup de secteur d’activités.
Sur le plan sportif, l’OL peut se qualifier pour une coupe d’Europe et bénéficie toujours d’actifs importants comme le Groupama Stadium ou son effectif.
Les perspectives d’une issue positive aux difficultés actuelles demeurent.
Mais, le cas de l’OL rappelle que la passion du sport ne doit jamais éclipser les impératifs de bonne gouvernance et de responsabilité financière.