Kenny BROUSSE, Avocat – mandataire sportif
Dans un arrêt rendu le 25 avril 2025 (CA Aix-en-Provence, 25 avril 2025, n° 22/01705), la Cour s’est prononcée sur la rupture anticipée du contrat à durée déterminée du joueur professionnel de football Adil Rami, initiée par l’Olympique de Marseille.

Son club employeur lui a notifié la rupture de son contrat à durée déterminée pour faute grave, motivée par trois faits principaux :
D’abord, la participation du joueur à l’émission télévisée « Fort Boyard », sans autorisation du club, en dissimulant volontairement cette participation, alors qu’il était blessé.
Ensuite, son absence au dernier match de son équipe, sans autorisation du club, afin d’assister à une soirée de gala médiatisée.
Enfin, l’utilisation fautive de ses réseaux sociaux à l’encontre d’un média spécialisé dans l’actualité du club, très suivi par ses supporters, nuisant ainsi à l’image du club.
Cette décision offre un éclairage utile sur la qualification de la faute grave, à travers l’appréciation faite par la Cour des obligations contractuelles dans le cadre d’un contrat de travail spécifique au secteur sportif professionnel, tel que prévu par le Code du travail, le Code du sport et la Charte du football professionnel.
Contrat à durée déterminée dans le football professionnel et obligations renforcées du joueur salarié
Le club de l’Olympique de Marseille a engagé Adil Rami en qualité de joueur professionnel, par contrat de travail à durée déterminée conclu le 13 juillet 2017, conformément aux dispositions des articles L. 222-2-3 et suivants du Code du sport, pour une durée de quatre saisons sportives, soit jusqu’au 30 juin 2021.
La relation de travail est également soumise au règlement intérieur applicable aux équipes de l’Olympique de Marseille, aux annexes de ce règlement, ainsi qu’aux dispositions de la Charte du football professionnel, tenant lieu de convention collective nationale des métiers du football.
Au titre de ces dispositions, le joueur était tenu de respecter de nombreuses obligations, lui imposant notamment un comportement exemplaire en matière de santé, de communication, d’image et de loyauté.
Respect de la procédure disciplinaire dans le secteur du sport professionnel
La Cour s’est prononcée sur la régularité de la procédure disciplinaire applicable au licenciement d’un salarié dans le sport professionnel.
En effet, la rupture pour faute grave d’un contrat à durée déterminée est soumise au formalisme imposé par l’article L. 1332-2 du Code du travail, qui prévoit notamment une convocation à un entretien préalable avec un délai minimal de deux jours ouvrables, et un délai maximal d’un mois pour la notification de la sanction.
Ces exigences sont renforcées par l’article 615 de la Charte du football professionnel, qui précise que le joueur doit être convoqué à l’entretien préalable dans un « délai utile », avec énoncé des griefs dans la lettre de convocation.
La juridiction a validé le respect des règles relatives à la convocation à l’entretien préalable et à l’information des griefs reprochés.
Concernant la notification de la sanction, le club l’a prononcée après le délai d’un mois prévu par le Code du travail. Toutefois, lorsque la procédure impose la saisine préalable d’une instance conventionnelle — en l’espèce la Commission juridique de la LFP —, le délai d’un mois court à compter de l’avis rendu par cette instance, et non à partir de la date fixée pour l’entretien préalable.
Le club ayant saisi la Commission juridique de la Ligue de football professionnel, ce recours a valablement suspendu le délai pour prononcer la rupture anticipée du contrat.
Malgré les règles de droit commun du Code du travail, les spécificités du secteur sportif professionnel ont été respectées, et la Cour a jugé la procédure disciplinaire régulière.
Appréciation de la faute grave et de l’obligation de loyauté renforcée du sportif professionnel
Les obligations issues de son contrat de travail, du règlement intérieur du club et de la Charte du football professionnel incluent notamment : l’interdiction des activités à risque, le respect des soins et un comportement compatible avec l’image du club.
La Cour d’appel procède à une analyse in concreto des faits reprochés au joueur, en s’appuyant sur les obligations contractuelles spécifiques au sport professionnel — et ici au football.
Concernant la participation à l’émission « Fort Boyard », la Cour estime que le joueur a violé ses obligations contractuelles :
- en participant à une activité acrobatique prohibée ;
- en refusant de suivre les soins que sa blessure au pied droit rendait nécessaires ;
- en prenant part à des activités (lutte dans la boue et saut catapulté à 80 km/h pieds attachés) susceptibles d’aggraver sa blessure ;
- en participant à un événement médiatique à caractère privé ou caritatif sans autorisation ni information préalable de son employeur.
La participation dissimulée à cette émission matérialise un refus délibéré de se conformer aux instructions de la hiérarchie du club.
Cette insubordination constitue un comportement particulièrement déloyal, d’autant qu’elle s’est accompagnée de mensonges envers l’entraîneur, lequel avait expressément insisté pour que le joueur protège son intégrité physique et suive les soins prescrits.
S’agissant de l’absence injustifiée lors du dernier match pour assister à une soirée de gala, la Cour retient également une violation des obligations contractuelles, caractérisée par un comportement déloyal et des propos mensongers adressés à l’entraîneur.
Enfin, en ce qui concerne les publications sur les réseaux sociaux, la Cour a délimité les contours de la liberté d’expression à la lumière des clauses insérées dans les contrats de joueurs professionnels.
Elle a jugé que la clause contractuelle imposant une obligation de réserve ne portait pas atteinte à la liberté d’expression du joueur, cette obligation constituant un aménagement nécessaire dans le sport de haut niveau.
Elle ne prive pas le joueur de sa liberté d’expression, mais l’oblige à éviter toute forme d’expression vulgaire, outrancière ou caricaturale, nuisible tant à ses intérêts qu’à ceux de son employeur.
Les juges estiment que ces comportements, volontaires et dissimulés, adoptés dans un contexte de forte exposition médiatique et préjudiciables à l’image du club, justifient la qualification de faute grave.
La Cour a ainsi mené une analyse contextualisée et proportionnée, tenant compte du statut particulier du joueur professionnel, des obligations propres à ce statut, et de l’exposition médiatique inhérente au sport professionnel — a fortiori au football.
Analyse de l’exemplarité, de la loyauté et de l’image dans la relation de travail des footballeurs professionnels
Cette décision illustre le niveau d’exigence attendu d’un joueur professionnel sous contrat dans un club de Ligue 1.
Les obligations issues du droit du travail, du Code du sport et des conventions collectives imposent une attitude exemplaire.
Le joueur ne peut ignorer son rôle d’ambassadeur de l’image de marque de son club.
L’utilisation des réseaux sociaux, le comportement en période de blessure et la participation à des événements publics ou privés doivent s’inscrire dans le cadre strict défini par la réglementation applicable à son statut.