OBLIGATION PRECONTRACTUELLE D’INFORMATION : L’OFFICE DU JUGE DANS L’APPLICATION DE L’ARTICLE 1112-1 DU CODE CIVIL

Santina MAGNIER, Avocat

Principe fondateur du droit des obligations, la liberté contractuelle est érigée comme l’un des piliers du droit des contrats. Affirmée à l’article 1102 du code civil depuis la réforme issue de l’ordonnance du 10 février 2016, elle consacre le droit pour toute personne « de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi ».

Toutefois, cette liberté ne saurait pleinement s’exercer sans un consentement donné librement et de façon éclairée, condition essentielle à la formation de tout contrat.

Le lien entre l’obligation précontractuelle d’information et le consentement est fondamental en droit des contrats, car le consentement ne peut être libre et éclairé que si les parties disposent des informations nécessaires avant de conclure le contrat.

Consécration d’une obligation générale d’information précontractuelle

Depuis l’ordonnance du 10 février 2016, l’obligation précontractuelle d’information est consacrée à l’article 1112-1 du Code civil qui dispose, en son alinéa 1er, que « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. »

Alors que cette obligation n’était auparavant reconnue que pour certains contrats spéciaux (contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, contrat de vente, droit bancaire, droit commercial, etc.), le législateur est venu entériner la position de la Cour de cassation en consacrant un devoir général précontractuel d’information applicable à tous les contrats, sans distinction de nature ou de qualité des parties.

Pour comprendre l’étendue de cette obligation, envisager ses conditions d’existence s’avère primordial.

Conditions de l’obligation précontractuelle d’information : le rôle déterminant de la jurisprudence pour préciser son étendue et ses conditions de mise en œuvre

La mise en œuvre de cette obligation précontractuelle a été définie par la jurisprudence et obéit à deux conditions.

Information déterminante pour le consentement :

Une personne ne pourra être tenue de renseigner son cocontractant que si elle détient une information déterminante de son consentement. Pour comprendre ce dont il est question, l’alinéa 3 de l’article 1112-1 précise qu’ « ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties », c’est-à-dire de nature à influencer directement le consentement de l’autre partie.

En pratique, il est donc question de fournir toutes les informations qui ont un rapport avec l’objet ou la cause des obligations nées du contrat ou bien encore la qualité des cocontractants et qui sont de nature à permettre à la personne qui les reçoit de s’engager en toute connaissance de cause.

A titre d’illustration, dans un contrat de vente, les caractéristiques de la chose vendue constituent une information déterminante du consentement et entrent donc dans le champ d’application de l’obligation précontractuelle d’information. Le vendeur doit donc informer l’acheteur que le bien objet de la vente est grevé d’une servitude, ou bien que ce dernier est situé en zone inondable.

Précisons toutefois que cette obligation ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.

Le législateur a en effet consacré la solution retenue dans l’arrêt Baldus rendu le 3 mai 2000, l’alinéa 2 de l’article 1112-1 du code civil précisant que « ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation ».

Autrement dit, le débiteur de l’obligation d’information n’est jamais tenu de révéler à son cocontractant la véritable valeur du bien objet du contrat. Les futurs cocontractants n’ont donc pas à s’informer réciproquement quant à un éventuel déséquilibre économique du contrat.

Ignorance légitime du fait recelé ou confiance légitime en son cocontractant :

Cette condition introduit une limite raisonnable à l’obligation d’information : encore faut-il que la partie qui se prévaut d’un manquement de son cocontractant à cette obligation ait accompli des diligences raisonnables pour se renseigner.

L’ignorance sera considérée comme légitime lorsque l’intéressé avait une difficulté sérieuse pour découvrir par lui-même le fait recélé.

Quant à la confiance légitime, elle pourrait résulter soit de la nature du contrat lorsqu’interviennent un sachant et un non-sachant (contrat d’assurance, contrat de mandat par exemple), soit de la qualité des parties (par exemple membres d’une même famille), hypothèses dans lesquelles l’intéressé pouvait penser que son partenaire prendrait l’initiative de l’informer.

Ainsi, si le législateur est venu ériger les conditions de mises en œuvre de l’obligation précontractuelle d’information, il laisse subsister de nombreuses incertitudes quant à son application qu’il appartiendra à la jurisprudence de préciser.

Dans un arrêt rendu le 14 mai 2025, la Cour de cassation semble ainsi avoir adopté une interprétation plus restrictive de l’article 1112-1 du Code civil en considérant que « le devoir d’information précontractuelle ne porte que sur les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, et dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre partie ».

Contrairement à la lettre de cet article, cela signifie que même si l’information présente un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, il appartiendra en plus à celui qui se prétend créancier de l’obligation de démontrer que cette information était déterminante pour son consentement.

Sanction du non-respect de l’obligation précontractuelle d’information

La sanction du non-respect de cette obligation est prévue à l’alinéa 6 de l’article 1112-1 du code civil.

Selon ce texte, celui qui n’a pas correctement informé son futur cocontractant peut tout d’abord voir sa responsabilité civile engagée sur le fondement de l’article 1240 du Code civil et être condamné à verser des dommages et intérêts si un préjudice est prouvé.

Le manquement à ce devoir d’information peut également entraîner l’annulation du contrat sur le fondement de l’erreur ou du dol, dès lors que l’information dissimulée ou non transmise aurait conduit l’autre partie à ne pas contracter ou à contracter à des conditions différentes.

CONCLUSION :

En définitive, l’obligation précontractuelle d’information trouve son origine dans le principe de bonne foi qui gouverne les relations contractuelles. Sans remettre en cause la liberté contractuelle, elle l’encadre afin d’assurer un consentement libre et éclairé des parties.

Toutefois, la mise en œuvre de cette obligation soulève encore des incertitudes et l’intervention du juge apparaît dans ce contexte essentielle. C’est, en effet, par l’interprétation jurisprudentielle que se précisent les contours de l’obligation précontractuelle d’information.

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